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Roger Valade: Interview d'un sculpteur sur bois

 Culture et tradition du Québec 

valade sculpteur bois

6Mar2013

Roger Valade sculpteur sur bois exerce dans le domaine de la restauration depuis 40 ans. Natif de Saint-Michel des Saints dans Lanaudière, il est revenu à ses racines il y a bientôt treize ans en acceptant le poste de serveur à l’Auberge du Lac Taureau.

En 2001, il a l’opportunité de s’envoler vers New-York pour y travailler dans la finition de boiserie auprès d’un important entrepreneur. Au matin du 11 septembre, à l’aéroport, son vol est annulé, les deux tours sont tombées. Ces événements l’ont retenu au Québec. C’est à cette époque qu’il s’est découvert une passion qu’il décrit aujourd’hui comme sa mission : la sculpture sur bois.

sculpteur bois

Roger le sculpteur sur bois

« Aujourd’hui, je sais que c’est la restauration qui m’a formé, qui m’a mis en relation avec les gens.  J’ai appris à servir l’autre, à communiquer avec les yeux, avec le cœur.  A l’Auberge du Lac Taureau, je suis dans la nature, ce sont mes sources, mes racines.

Je vais sur le lac et je suis heureux.  Quand je viens travailler, je prépare mes pièces, je les place, je les enveloppe d’amour, je les éclaire.  J’installe mon port folio et des photos de mes œuvres, les reportages sur une table près de l’entrée de la salle à manger.  Ça procure une belle ambiance dans la salle à manger.  Quand je sers les clients, parfois j’échange sur mon art.  Les clients me posent des questions sur mon œuvre, ça m’alimente, ça m’encourage.

C’est à l’Auberge du Lac Taureau que j’ai fait des rencontres exceptionnelles. C’est un bel échange.

Sculpter, ma passion, mon métier

 La sculpture c’est un médium, après c’est l’inspiration qui permet de créer.   Le temps c’est pas important, ça fait partie du passé.  Par rapport à une œuvre, je me sens vivant, je suis en communion.  Je prend le temps de la maîtriser, de l’observer.  Je suis capable de choisir si j’arrête ou je continue.  Quand je commence à sentir le mouvement, là j’arrête.  Je la regarde, je la recouvre et je pars.

Mon travail de serveur autant que mes longues randonnées dans la nature me permettent de me distancer de ma sculpture.

Je suis un sculpteur de la nature, de l’environnement

Mes thèmes, les animaux, les symboles sont inspirés des histoires amérindiennes, du Canada, des États-Unis.

En plus des thèmes de la nature, il y a les couleurs.  J’ai vu un reportage de Léonard de Vinci et comment il faisait ses couleurs, par pigments d’oxyde de terre.  J’ai commencé à m’intéresser à tous les oxydes de terre, des pigments de fossiles, de la terre de Judée, etc. Je choisis tous mes pigments moi-même et je fais mes couleurs.

Je fais une poésie qui va avec chaque pièce, pour lui donner un langage.  Elle a son nom, elle a une histoire, elle a ses émotions.

 J’utilise le bois que je fais sécher au four.  Il repose dans mon atelier de deux à trois ans.  Je le colle avec de la colle de poisson, une méthode ancestrale.  Pour le bois de centre, je choisis du tilleul.  Des bois exotiques formeront le contour de la sculpture : souvent des bois qui viennent d’Afrique, du brésil, du bois de rose, de l’éden, parfois vieux de 500 ans.

Un fil conducteur

Toute les pièces ont une étoile.  J’ai toujours cru aux étoiles; je viens des étoiles.  En sculptant, j’ai fait une étoile, c’est comme la liberté : j’ai mon étoile, c’est ma guidance.  C’est aussi de croire en mon étoile, de croire à ma place sur cette terre.

On a tous une étoile, la mienne c’est mon art, c’est une forme de signature.  Chaque fois que je fais une étoile, j’essaie qu’elle soit le plus recherché possible.

L’œuvre et l’inspiration

Il y a une pièce magique, fétiche, marquante : « Flèche brisée », un indien, c’est un beau guerrier.  Elle a été présente dans toute mon inspiration amérindienne.  Proche de la nature, proche de la terre, libre et s’autosuffisant, il suivait toujours le sentier du bison.  Jamais il ne chassait juste pour le plaisir, ils chassait pour se nourrir.

Quand je sculpte un indien, je m’inspire de Sitting Bull parce que j’aime son regard, il n’y a pas de haine.  C’est un guerrier, C’est un guérisseur.

Ces civilisations amérindiennes, je veux leur rendre hommage avec la sculpture. Je veux que les gens voient leur beauté, c’est comme une prière.

Quand les amérindiens sont venus à l’Auberge du Lac Taureau, ils ont prié devant cette sculpture, ça été marquant pour moi. Mon œuvre c’est pour leur rendre hommage, ils ont marché avant nous ou nous marchons maintenant.  Une cliente m’a dit : « tu fais revivre leur fierté par tes œuvres ».

Le photographe américain Joseph Curtis et l’artiste peintre Cantin m’ont inspiré énormément.  J’ai capté de leurs images et ça été une explosion en moi.  J’ai commencé à les faire vivre, en sentant leur vie.

le gardien grande

Une oeuvre de Roger

« La mère terre » est dans le hall d’entrée de l’Auberge du Lac Taureau.   Créée  en 2010, c’est une pièce dont la réalisation compte autour de 1000 heures.  Elle présente un globe terrestre que la mère ours tient dans ses mains.  Il est petit, c’est pour montrer la grandeur de la nature.  Voici le poème qui l’accompagne : «   Il y a longtemps notre monde était très différent que ce qu’il est aujourd’hui.  Il y avait moins de gens et ils vivaient plus près de la terre.  On connaissait le langage de la terre, des animaux, de la pluie et des grands créateurs et on savait même parler aux étoiles et aux peuples du ciel.

Parce que tous les grands chefs de l’époque quand ils mourraient étaient toujours reliés à une étoile.  On était conscient que la vie était sacrée et provenait du mariage de la terre mère et du ciel père.  À cette époque il y avait l’équilibre et les gens étaient heureux. »

Les animaux sont des symboles.  J’aime les sentir vivre, sentir que je respire avec le loup, que je nage avec le saumon dans la rivière.  Le loup pour moi c’est un animal qui symbolise un être de clan.  C’est un prédateur mais c’est un chasseur aussi.  Il est libre dans la nature, il représente la loyauté, la famille.  Il est territorial.   Il choisit ses moments pour disparaître ou apparaître, il prend sa place dans la nature.  Il me fait vibrer.

Quand je fais un beau faucon pèlerin, un bel œil, c’est la liberté que je sens à travers le regard.  Quand je vois un ours polaire sur une banquise et qui combat pour sa survie, je suis épris d’amour pour ces animaux-là.

Je venais de finir « Osias 4 » et depuis longtemps, j’aspirais de faire une œuvre où l’entité du loup sortirait du cadre.  J’ai reçu une photo de Art wolf que j’ai mise comme fond d’écran d’ordinateur.  À tout moment je la regarde, je la sens.  J’imagine comment je vais habiter cette pièce là.  J’ai choisi un indien,  Je fais un montage, des croquis, j’essaie de débuter la pièce…  ma dernière pièce en liste, la 41« L’Éternité ».  C’est un mâle qui joue avec la femelle.

Il fallait que je sente l’amour en moi.  C’est une pièce maîtresse pour sentir cette union-là.  L’amour, c’est le jeu, c’est continuel. C’est toujours, l’amour, ça arrête pas.  La pièce se dessine au fur et à mesure.  J’ai fait la femelle et le mâle et j’ai vu où j’allais placer mon bébé loup, comment j’allais le faire bouger.   J’ai mis une souche, il s’amusait dans la souche.  J’ai mis mon totem, le loup qui chante.  Il vient harmoniser la pièce, je l’entends chanter.

Pour « l’Éternité », je vais composer une poésie sur l’amour à partir de mes propres émotions et de mes sentiments.  À terme, il m’aura fallu pas moins de 2000 heures pour compléter cette pièce.

 Il y a toujours un élément déclencheur, pour chaque pièce il y a une marque, c’est toujours le dépassement de soi.  Lorsqu’une pièce me permet de me dépasser dans ma créativité, je ne dois pas avoir peur, je dois suivre mon instinct.

Quand j’ai l’inspiration, j’arrête, je laisse venir le fantasme dans ma tête, il ne faut pas que je l’alimente.  Je sens la pièce, je la sens finie avant de la faire, je la sens en vibration.  C’est savoir écouter sa guidance intérieure, une méditation en réalité.

Ma mission

 Je veux communiquer à travers toutes mes œuvres le respect de la nature, le respect de l’environnement.  Je suis un sculpteur de la nature qui va interpréter la nature à travers tout, les animaux, les humains, leur environnement.

L’humain est responsable de garder tout son équilibre à la nature et de participer en harmonie à tout ce qui vie sur la terre.  « Gérer la planète ».  Je ne suis pas là pour juger ce qui se fait, mais je sais que ce que je fais c’est comme un esprit, c’est un vieux sage.   Je le présente comme un gardien de la nature, des animaux.

J’ai du talent que la vie m’a offert.  Je suis responsable de mes œuvres.  La vie m’a sculpté et, en communion avec ces grands peuples, moi je sculpte avec la vie. »

Publié par François Cantin le 06/03/2013  |  Culture et tradition du Québec  | 

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merci merci du plus profond de mon coeur roger valade

de roger le 08-03-2013

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